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De quoi est malade la démocratie au Bénin ?

Pneus brûlés et barricades érigées dans les rues de Cadjehoun, le quartier de l'ancien président du Bénin, Thomas Yayi Boni, à Cotonou Copyright de l’image Getty Images
Image caption Pneus brûlés et barricades érigées dans les rues de Cadjehoun, le quartier de l’ancien président du Bénin, Thomas Yayi Boni, à Cotonou

Violences postélectorales, appel au boycott des élections législatives, intervention musclée de l’armée au domicile d’un ex-chef d’Etat… La démocratie est-elle en danger au Bénin ?

Le pays a été l’un des précurseurs de la démocratie en Afrique de l’Ouest, à la fin des régimes dits de parti unique, au début des années 90.

Selon les dernières nouvelles venues de ce pays réputé pour sa stabilité, l’armée et la police ont délogé, par des tirs d’armes automatiques, les centaines de manifestants qui entouraient la résidence de Boni Yayi, l’ex-chef de l’Etat, jeudi 2 mai.

« Ils ont fait une incursion brutale. Ils ont tiré des rafales de balles », a déclaré à l’Agence France-Presse un proche de l’ex-président du Bénin.

Ce proche de M. Yayi Boni et d’autres sources ont fait état, jeudi 2 mai, de personnes tuées dont le nombre reste à préciser.

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Image caption Selon Gilles Yabi, la crise actuelle au Bénin est « un affrontement » entre Yayi Boni (à gauche) et son successeur Patrice Talon, qui sont ici à Abidjan, le 18 avril 2018, pour une réunion de réconciliation à l’initiative d’Alassane Ouattara, le chef de l’Eta ivoirien.

Mercredi 1er mai, des affrontements ont opposé policiers et militaires à des jeunes manifestants qui ont dressé des barricades de pneus brûlés à Cotonou, la capitale.

Les médias rendaient rarement compte de telles scènes depuis près de trois décennies, dans ce pays réputé stable.

Démons de la violence

Au sortir de sa conférence nationale organisée au début des années 90, ce petit pays d’Afrique de l’Ouest – 114 763 km2 et environ 10,4 millions d’habitants, selon une estimation de 2015 – a ouvert la voie aux élections démocratiques et aux alternances politiques en Afrique de l’Ouest.

Les élections ont rarement connu la violence, du début des années 90 au scrutin présidentiel de 2016 remporté par l’homme d’affaires Patrice Talon.

Mais les démons de la violence sont entrés dans le jeu politique béninois lors de la préparation des élections législatives du 28 avril dernier, auxquelles n’ont été autorisées à ne prendre part que deux formations politiques fidèles à M. Talon.

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Début mars, la Commission électorale nationale autonome (Céna), chargée de l’organisation des législatives, n’a retenu que les candidatures du Bloc républicain et de l’Union progressiste, rejetant les dossiers de cinq formations politiques de l’opposition. La Céna estime qu’elles n’ont pas satisfait aux critères requis par le nouveau code électoral.

Gilles Yabi, économiste et analyste politique béninois, président du comité directeur de Wathi, un laboratoire d’idées citoyen d’Afrique de l’Ouest, estime que le pays est dans une « impasse », une situation qui ternit son image.

« Le problème que nous avons au Bénin est nouveau : on bascule dans la violence. C’est très rare au Bénin. Ça nuit à l’image du pays où la capacité de dialogue permettait d’éviter la violence (…) Aujourd’hui, on est dans une impasse. Avec un taux d’abstention de près de 80 %, l’Assemblée nationale élue ne sera jamais perçue comme étant légitime. Elle ne sera pas légitime. »

Copyright de l’image Gilles Yabi

Image caption L’analyste politique béninois Gilles Yabi

Certains observateurs estiment que le rejet de ces candidatures a le mérite de mettre tous les partis de l’opposition au même niveau. Pour d’autres, c’est le Bénin qui a perdu ses acquis démocratiques, d’autant plus que le scrutin législatif du 28 avril a connu quelques violences, avec des urnes saccagées à Parakou (nord) notamment.

Des associations de la société civile béninoise et des organisations de défense des droits de l’homme, Amnesty International (AI) en tête, ont signalé des coupures d’Internet le jour des élections législatives. AI fait même état d’un « niveau de répression alarmant » au Bénin.

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L’appel au boycott des élections lancé par l’opposition semble avoir été suivi par une forte majorité des 4,9 millions d’électeurs inscrits. Selon Emmanuel Tiando, le président de la Céna, le taux de participation s’élève à 22,99 % – soit le plus bas de l’histoire du pays.

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Face à l’absence de dialogue et aux craintes d’un parlement monocolore, les anciens présidents béninois Boni Yayi (2006-2016) et Nicéphore Soglo (1991-1996) ont lancé mardi un ultimatum au président Patrice Talon pour qu’il annule les résultats des élections législatives.

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Image caption Quelque 4,9 millions de Béninois élisaient 83 députés, le 28 avril 2019.

M. Talon est accusé d’avoir engagé un tournant autoritaire au Bénin. Le pays est-il passé pour autant d’une démocratie à une dictature ?

« On a tendance en Afrique, en Afrique de l’Ouest surtout, à très vite considérer des pays comme des modèles démocratiques parce qu’ils organisent régulièrement les élections et fonctionnent politiquement beaucoup mieux que d’autres pays. C’était le cas du Mali avant 2012. C’était le cas du Bénin pendant longtemps », explique Gilles Yabi.

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Devant la situation actuelle du pays, selon M. Yabi, l’urgence n’est surtout pas de « sauver la démocratie béninoise ». Il faut assurer « la paix, la stabilité et la sécurité » du pays et veiller à sa « reconstruction politique, avec des acteurs responsables », d’autant plus qu' »il y a, dans la situation actuelle, une responsabilité collective des acteurs politiques des 20 dernières années ».

« Cette situation de violence appelle à une prise de décision du président Patrice Talon. (…) Il faut envisager une sortie de crise, ce qui ne peut passer que par un dialogue politique ouvert, avec l’implication de la société civile. Il y a (…) un affrontement entre le président actuel, Patrice Talon, et son prédécesseur. Il faut vite mettre fin à ces violences », ajoute Gilles Yabi.

Regardez cette vidéo sur les rivalités entre l’opposition et le président Patrice Talon :

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Au Bénin, l’opposition « tacle » Talon dans les rues

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