Les autorités de l’île de Madagascar sont confrontées à la plus grande épidémie de rougeole jamais enregistrée dans le pays.
Le nombre de cas a grimpé bien au-delà de 115 000, et la maladie a déjà tué plus de 1 200 personnes depuis septembre, notamment des enfants de moins de 15 ans.
Il s’agit de la dernière flambée de cette maladie virale hautement infectieuse, qui a tué 111 000 personnes dans le monde en 2017, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
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Dans son dernier rapport publié en novembre, l’OMS a cité la complaisance et l’augmentation des fausses nouvelles concernant les vaccins – parallèlement à l’effondrement des systèmes de santé – comme facteurs d’une augmentation mondiale de 30 % des cas de rougeole entre 2016 et 2017.
Seuil
« Le faible nombre de cas qu’un pays peut avoir actuellement pourrait très rapidement s’élever à des dizaines ou des centaines de milliers, sans la protection offerte par les vaccins », a déclaré l’OMS.
A Madagascar, le taux de vaccination contre la rougeole n’est estimé qu’à 58 % de la population – bien en dessous du taux de 95 % nécessaire pour prévenir les épidémies.
Les Amériques, l’Europe et la région de la Méditerranée orientale ont connu la plus forte recrudescence des cas, y compris aux États-Unis, un bastion du mouvement anti-vaccins.
Les mythes sur les vaccins persistent, et les taux de vaccination diminuent malgré les preuves scientifiques des bienfaits de la vaccination.
1. « Les vaccins peuvent causer l’autisme«
La baisse des taux de vaccination contre la rougeole dans les pays occidentaux au cours des dernières décennies peut en grande partie être attribuée au chirurgien britannique Andrew Wakefield.
Dans son article de 1997 publié dans la prestigieuse revue médicale The Lancet, Wakefield affirmait que le vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) était lié à une augmentation des cas d’autisme chez les enfants britanniques.
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Plusieurs études réfutent la relation de cause à effet entre le vaccin ROR et l’autisme – The Lancet a retiré l’étude, et M. Wakefield a été radié par la suite de l’Ordre des médecins du Royaume-Uni.
Cependant, ses allégations, bien que démystifiées, ont suffi à faire chuter les taux de vaccination ROR au Royaume-Uni de 92 % en 1996 à 84 % en 2002. Depuis lors, ils sont revenus à environ 91 %, toujours en dessous du seuil recommandé par l’OMS (95 %).
2. « Le système immunitaire des enfants ne peut pas supporter autant de vaccins »
Il y a au moins à recevoir 11 vaccins par les bébés et les enfants avant l’âge de deux ans. Mais certains parents craignent qu’un trop grand nombre de vaccins ne mette à rude épreuve le système immunitaire de leurs enfants.
Une préoccupation commune, c’est que les vaccins fonctionnent en introduisant dans le corps des virus ou des bactéries qui causent une certaine maladie. Cependant, les scientifiques utilisent des versions modifiées de ces derniers afin qu’ils ne déclenchent pas l’effet de la maladie dans le corps. Les vaccins préparent le corps à réagir lorsqu’il sera en contact avec le « vrai » virus ou bactérie.
« Les nouveau-nés développent la capacité de réagir aux antigènes étrangers (substances capables de stimuler une réponse immunitaire) avant même leur naissance », a écrit le pédiatre américain Paul A. Offit dans l’une des revues les plus célèbres au sujet des preuves liées à de multiples vaccins et systèmes immunitaires infantiles.
« Dans les heures qui suivent la naissance, ils sont capables d’organiser une réponse immunitaire aux vaccins », ajoute M. Offit.
3. « Les maladies disparaissaient déjà avant l’introduction des vaccins »
L’argument ici est que de meilleures conditions socioéconomiques – une meilleure nutrition et un meilleur assainissement, par exemple – ont été aussi efficaces que les vaccins au fil du temps.
Il est vrai que ces progrès faisaient baisser les taux de mortalité de certaines maladies avant l’introduction des vaccins. Mais l’accélération du déclin de l’infection suggère fortement que les vaccins ont joué un rôle.
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Aux États-Unis, par exemple, le nombre annuel de décès dus à la rougeole est passé de 5 300 en 1960 à 450 en 2012, selon les Centers of Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis. Le premier vaccin contre la rougeole est arrivé en 1963.
Mais la vaccination n’a pas seulement amélioré les taux de survie : elle a aussi réduit considérablement le nombre de cas dans les cinq années suivant la vaccination (1963-1968).
Et tout porte à croire qu’une baisse des taux de vaccination peut entraîner une résurgence de la maladie – le Japon et la Suède ont enregistré, dans les années 1970, une hausse du nombre de cas et de décès dus à une autre maladie évitable, la coqueluche, après que moins d’enfants ont été vaccinés.
4. « La plupart des gens qui tombent malades ont été vaccinés »
Les militants anti-vaccins en font l’un de leurs arguments contre la vaccination.
Aucun vaccin n’est efficace à 100 %, et l’OMS affirme que la plupart des vaccinations infantiles de routine fonctionnent chez 85 % à 95 % de ceux qui les reçoivent.
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Chaque personne réagit à sa façon à un vaccin, ce qui signifie que toutes les personnes vaccinées ne développeront pas l’immunité.
Mais la seule raison pour laquelle un plus grand nombre de personnes vaccinées tombent malades par rapport à celles qui n’ont pas reçu de dose est simplement parce qu’elles sont beaucoup plus nombreuses.
Les personnes non vaccinées tombent malades à un taux beaucoup plus élevé.
5. « Les grandes entreprises pharmaceutiques ont un fort intérêt commercial dans les vaccins »
Miloud Kadar, économiste de la santé à l’OMS, estime que le marché mondial des vaccins valait 24 milliards de dollars en 2013, soit moins de 3 % du marché pharmaceutique mondial cette même année.
Ces dernières années, le marché des vaccins s’est développé, stimulé par des facteurs tels que l’expansion des programmes de vaccination dans les pays nouvellement industrialisés comme la Chine et la décision de nombreux riches de financer la recherche et le développement de vaccins – le fondateur de Microsoft Bill Gates en est le plus bel exemple.
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Mais c’est l’humanité dans son ensemble qui a un réel intérêt commercial à se faire vacciner – tomber malade coûte beaucoup plus cher.
Une étude réalisée en 2016 par l’Université John Hopkins a estimé que pour chaque dollar investi pour la vaccination dans les 94 pays les plus pauvres du monde, on s’attend à économiser 16 dollars en coûts de santé, en pertes de salaires et de productivité pour cause de maladie et de décès.
6. « Mon pays a pratiquement éradiqué cette maladie, donc je n’ai pas besoin de me faire vacciner »
Bien que les vaccinations aient réduit l’incidence des maladies évitables dans de nombreux pays, cela ne signifie pas qu’elles sont sous contrôle à l’échelle mondiale.
Certaines d’entre elles sont très répandues et même endémiques dans d’autres parties du monde. Les maladies pourraient voyager facilement grâce à la mondialisation et être ravivées dans les pays où la couverture vaccinale est en baisse.
En Europe, le nombre de cas a triplé entre 2017 et 2018 pour atteindre près de 83 000, soit le nombre le plus élevé de cette décennie.
7. « Les vaccins contiennent des toxines dangereuses »
L’utilisation de substances comme le formaldéhyde, le mercure ou l’aluminium dans les vaccins est une autre préoccupation des parents qui ne sont pas certains de pouvoir vacciner leurs enfants.
Ces substances sont nocives si elles sont consommées à certains niveaux.
Mais pas dans la quantité présente dans les vaccins – selon la Food and Drug Administration américaine, un vaccin type utilisant du mercure a une concentration de 25 microgrammes de l’élément par dose de 0,5 ml.
L’agence affirme qu’il s’agit de la même quantité de mercure contenue dans une boîte de 85 grammes de thon.
8. « Les vaccins sont une conspiration de l’Occident »
La croyance que les vaccins font partie d’un complot visant à attaquer les populations civiles persiste toujours.
Dans le nord du Nigeria, la lutte contre la polio est entravée par la croyance que la vaccination pourrait délibérément provoquer l’infertilité chez les filles et propager le VIH – les attaques contre les agents de santé ne sont pas rares.
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Les mêmes mythes existent en Afghanistan et au Pakistan, qui sont, avec le Nigeria, les seuls pays où le virus de la polio reste endémique.
Et cela n’a pas permis que les questions sur les motifs des programmes de vaccination ne soient pas totalement injustifiées : en mars 2011, la CIA a organisé une fausse campagne de vaccination contre l’hépatite B au Pakistan pour tenter de recueillir l’ADN d’Oussama ben Laden et de le localiser.
Le complot sera connu plus tard du public, ce qui a accru la méfiance dans un pays où la couverture vaccinale est faible.
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