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D’ou viennent les rivalités entre Dogons et Peuls au Mali ?

People in traditional Dogon costumes Copyright de l’image Getty Images
Image caption Les Dogons vivent dans le centre du Mali depuis des siècles.

L’attaque survenue samedi 23 février dans le centre du Mali est la plus meurtrière de celles qui ont été recensées durant ces dernières entre les Peuls et les Dogons – deux communautés rivales. Les Dogons sont soupçonnés d’avoir mené cette attaque qui a fait au moins 130 morts chez les Peuls.

L’année dernière, 202 civils ont été tués dans des violences communautaires, dans la région de Mopti, au Mali, selon l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW). Ce bilan est le résultat de 42 attaques, précise HRW.

Il existe depuis longtemps des conflits entre le peuple dogon et les éleveurs peuls nomades du centre du Mali. Les heurts sont devenus de plus en plus violents depuis l’avènement des mouvements djihadistes dans le nord du pays en 2012.

Le gouvernement malien soupçonne le groupe d’autodéfense dogon « Dana Amassagou » d’avoir mené l’attaque de samedi. Le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga, a prononcé dimanche sa dissolution. Mais les Dogons nient avoir mené l’attaque du village d’Ogossagou.

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Qui sont les Dogons ?

Le peuple dogon, qui pratique notamment l’agriculture, vit depuis des siècles dans les falaises de Bandiagara, dans le centre du Mali.

Les maisons des Dogons sont sculptées dans une roche calcaire. L’architecture et le mode de vie traditionnel de cette communauté ont conduit à l’inscription des falaises de Bandiagara au patrimoine mondial de l’humanité, depuis une trentaine d’années, par l’Unesco, l’agence des Nations unies chargée de la culture.

La région attirait de nombreux touristes jusqu’au début des mouvements djihadistes en 2012, dans le nord du Mali.

Qui sont les Peuls ?

Les Peuls sont un groupe ethnique d’éleveurs semi-nomade constitué majoritairement de musulmans.

Ils vivent dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest (le Sénégal, Mali, Guinée, etc.) et d’Afrique centrale (Centrafrique, Cameroun, etc.).

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Image caption Les maisons des Dogons sont sculptées dans une région calcaire.

Certains se sont installés dans les villes, mais d’autres pratiquent l’élevage de manière intensive et parcourent de longues distances pour assurer la survie de leur bétail. Lors de ces déplacements, ils sont souvent en conflit avec les agriculteurs.

Au Nigeria, les violences entre Peuls nomades et agriculteurs sédentaires sont monnaie courante. Elles auraient constitué en 2014 le quatrième conflit le plus meurtrier du monde.

Que cachent ces conflits ?

Au Mali, les Dogons accusent souvent les Peuls de dévaster leurs champs et de détruire leurs récoltes pour nourrir leur bétail.

L’histoire du voisinage entre Peuls et Dogons est jalonnée de tensions, qui sont quelquefois violentes. Mais ces heurts causés par la course aux ressources naturelles (terres, forêts, tec.) ont souvent été atténués par la négociation.

En 2015, les mouvements djihadistes qui ont envahi le nord du Mali en 2012 se sont propagés dans les régions du centre. Et à l’instabilité de cette partie du pays s’ajoute une circulation des armes qui échappe au contrôle des autorités maliennes.

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Image caption L’élevage est l’activité économique principale des Peuls.

Les Dogons, victimes des attaques djihadistes, accusent les Peuls de soutenir les groupes islamistes. Les Peuls, eux, soutiennent que les groupes d’autodéfense dogons bénéficient du soutien du gouvernement.

Ils accusent les Dogons d’être responsables des atrocités dont ils sont victimes, ce que démentent les mis en cause.

Depuis 2015, la souveraineté de l’État sur la région de Mopti s’est affaiblie, donnant aux habitants de cette région le sentiment de ne plus pouvoir compter sur les autorités étatiques, explique Alou Diawara, le correspondant de BBC Afrique à Bamako.

« Dana Amassagou », qu’est-ce que c’est ?

« Dana Amassagou », qui signifie « les chasseurs qui ont confiance en Dieu », en langue dogon, est une association de groupes d’autodéfense actifs dans le centre du Mali.

Elle a été créée en 2016 pour « défendre » la communauté dogon, selon des responsables de Human Rights Watch.

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Image caption Une marche de protestation des jeunes de la communauté peule, en mars 2018 à Bamako, contre les violences dont ils disent être victimes dans le centre du pays.

L’association est soupçonnée d’avoir commis plusieurs attaques contre les Peuls, l’année dernière. Ce que ses membres ont toujours nié.

Elle est accusée d’être à l’origine de l’attaque du 23 mars, dont les auteurs seraient habillés en tenue de chasse traditionnelle dogon, selon des témoins. Mais « Dana Amassagou » dément avoir perpétré cette attaque.

« Nous n’avons rien à voir avec ce massacre que nous condamnons catégoriquement. N’importe qui peut porter les habits de chasseur, qui sont disponibles au marché », soutient l’association de groupes d’autodéfense.

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Existe-t-il des groupes d’autodéfense peuls ?

L’Alliance pour le salut au Sahel (ASS) a été fondée par les Peuls en mai 2018, pour protéger cette communauté des attaques menées par des groupes armés au Mali et au Burkina Faso, selon Human Rights Watch.

Mais il reste à savoir si l’ASS entretient des groupes d’autodéfense peuls ou pas. Elle est accusée par la milice dogon d’être liée aux groupes djihadistes de la région, ce qu’elle nie.

Écoutez Alou Kampo, chef de la mission de réconciliation entre Dogons et Peuls. Il parle d’un accord de paix conclu entre les deux communautés en août 2018 :

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Accord de paix entre Peulhs et Dogon au Mali
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