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Pourquoi les élections au Nigeria sont-elles importantes ?

Élection du gouverneur de l'Etat d'Osun en septembre 2018. Copyright de l’image Getty Images
Image caption Élection du gouverneur de l’Etat d’Osun en septembre 2018.

Ce géant africain s’apprête à élire un nouveau président et un parlement, le 16 février. Voici tout ce que vous devez savoir sur cette puissance africaine incontournable et les enjeux de ces élections.

C’est le pays le plus peuplé d’Afrique avec 180 millions d’habitants. Le Nigeria, un poids lourd démographique et économique – la première puissance en Afrique subsaharienne -, compte beaucoup dans le continent.

Entouré par le Bénin, le Cameroun, le Niger et le Tchad, ce pays anglophone enclavé dans une région essentiellement francophone est une puissance régionale de premier plan en Afrique de l’Ouest.

Le Nigeria joue par exemple un rôle essentiel au sein de l’Union africaine (UA) et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dont le siège se trouve à Abuja.

Il est également l’un des plus importants contributeurs, en termes d’effectifs, aux missions de maintien de la paix sous l’égide de l’ONU. Confronté au groupe djihadiste Boko Haram, il a renforcé sa coopération avec les autres pays de la région, sur le plan sécuritaire.

Pour toutes ces raisons, l’Afrique aura les yeux tournés vers le scrutin du 16 février. Les Nigérians sont attendus aux urnes pour des élections générales. Ils voteront notamment pour réélire Muhammadu Buhari ou élire un autre candidat.

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Image caption Muhammadu Buhari, le président actuel, se représente pour un second mandat.

Muhammadu Buhari, le président actuel, se représente pour un second mandat. En 2015, il s’est fait élire sur une promesse, celle de faire table rase du passé.

Lutter contre la corruption, booster l’économie et défaire l’insurrection de Boko Haram ont été ses principales promesses de campagne. Ce qui lui a valu d’être le premier opposant nigérian à battre un président sortant.

Mais aujourd’hui, quel est le bilan de Muhammadu Buhari ? A-t-il réussi à tenir ses promesses ?

Un bilan mitigé

Difficile pour un cacique de la scène politique nigériane de faire peau neuve sans se débarrasser totalement des carcans du passé.

Rigueur et inflexibilité font notamment partie de la panoplie, selon plusieurs critiques, mais ce sont ces mêmes attributs qui ont séduit les électeurs il y a quatre ans.

Et Muhammadu Buhari n’a pas hésité à s’en servir dans son combat contre la corruption et la lutte contre Boko Haram.

Pourtant, la tâche ne s’est pas avérée simple. Dès son accession au pouvoir, le Nigeria a été en récession à cause de la baisse du prix du baril de pétrole. Cette dépendance du pays du secteur pétrolier n’a pas été sans conséquences.

La monnaie locale, le naira, s’est effondrée, ce qui a entraîné une grave pénurie de devises étrangères pendant la première année de son mandat.

Le chômage a aussi doublé dans un pays déjà très inégalitaire, où les deux tiers de la population vivent sous le seuil de pauvreté. C’est un paradoxe dans la mesure où le Nigeria possède d’exceptionnelles ressources en hydrocarbures.

Muhammadu Buhari est parvenu toutefois à encourager les investissements dans l’agriculture et les projets d’infrastructures.

Et sur le plan sécuritaire, l’armée nigériane a réussi à regagner du terrain face à Boko Haram, qui cherche à renverser le pouvoir en place pour instaurer un État islamique. Cependant, des attaques récentes ont mis en évidence la fragilité de ces acquis.

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Image caption Protestations après la suspension du président de la Cour suprême du Nigeria, Walter Onnoghen, une affaire qui a ébranlé la campagne.

Deux candidats septuagénaires

Cet ancien général a une solide réputation d’incorruptible, mais il a été récemment accusé d’utiliser la justice comme un instrument politique dans le but de neutraliser ses adversaires.

En janvier dernier, il a suspendu le président de la Cour suprême du Nigeria, Walter Onnoghen, lui reprochant, officiellement, d’avoir omis de déclarer ses biens personnels avant de prendre ses fonctions en 2017. Muhammadu Buhari a rejeté tout lien entre la suspension et les élections à venir.

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En 1983, il s’était déjà hissé à la tête du Nigeria après un coup d’État contre le gouvernement élu de Shehu Shagari. Le régime avait régné avec une main de fer pendant vingt mois jusqu’à sa chute, après un autre coup d’Etat organisé par le chef des armées, le général Ibrahim Babangida.

Depuis 2017, le président Muhammadu Buhari s’est souvent absenté du Nigeria pour recevoir des soins médicaux. L’homme âgé de 76 ans a toujours entretenu le secret concernant la nature de sa maladie, mais il a été forcé de démentir qu’il avait engagé un sosie pour le remplacer lors d’événements publics.

Les deux principaux candidats à l’élection présidentielle sont septuagénaires, mais la jeunesse – très relative d’Atiku Abubakar, âgé de 72 ans – contrairement aux rumeurs autour de la santé du président sortant -, est considérée comme  »un atout » dans un pays où la majorité de l’électorat a moins de 40 ans.

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Image caption Le colistier de Muhammadu Buhari, Yemi Osinbajo, pasteur populaire du sud du pays, est aussi l’une de ses cartes maîtresses pour conquérir l’électorat chrétien.

Économie et lutte contre la corruption, les enjeux de la campagne

Sous les couleurs du parti au pouvoir, le Congrès des progressistes (l’APC), Muhammadu Buhari compte sur une base électorale solide : la population pauvre du nord du Nigeria, majoritairement musulmane, dont lui-même est issue. Son colistier, Yemi Osinbajo, pasteur populaire du sud du pays, est aussi l’une de ses cartes maîtresses pour conquérir l’électorat chrétien.

Face au président sortant, un autre cacique de la scène politique nigériane, lui-même venu du nord du pays : l’ancien vice-président Atiku Abubakar. Le candidat du principal parti d’opposition, le Parti démocratique du peuple (PDP), tente de récupérer les voix de Muhammadu Buhari. Et particulièrement celle de  »la jeunesse éduquée urbaine qui a vu son revenu fondre ces dernières années », selon Cheta Nwanze, un spécialiste de la politique nigériane.

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Image caption En 1999, lorsqu’il était vice-président sous le double mandat d’Olusegun Obasanjo, le richissime homme d’affaires a supervisé une série de politiques de privatisation.

Cet ancien haut fonctionnaire dans l’administration des douanes, qui a tenté en vain de briguer plusieurs fois la présidence, est aussi un homme d’affaires chevronné. Il a fait fortune dans le secteur pétrolier et est connu pour ses œuvres de bienfaisance.

Pourtant, cela n’empêche pas ses détracteurs de rappeler les soupçons de corruption et de conflits d’intérêt qui pèsent sur lui. Des soupçons incompatibles, selon eux, avec la fonction suprême…dans un pays où la corruption est endémique. Atiku Abubakar a toujours rejeté ces accusations.

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De 1999 à 2007, lorsqu’il était vice-président, sous le double mandat d’Olusegun Obasanjo, le richissime homme d’affaires a supervisé une série de politiques de privatisation. Il s’attribue, notamment dans son autobiographie, les réformes du secteur bancaire, la libéralisation du secteur de la téléphonie mobile et le boom économique qui a permis au Nigeria de rembourser une grande partie de sa dette.

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Selon les critiques, Atiku Abubakar est un libéral convaincu. Mais l’opposant espère pouvoir bel et bien gagner grâce aux électeurs déçus de l’économie, sous le mandat de Muhammadu Buhari, en  »remettant le Nigeria au travail ». Cependant, le président sortant n’a pas dit son dernier mot et est déterminé à se servir de son image de  »président anti-corruption ».

Ce qui est sûr et certain, c’est que les enjeux économiques font partie des principales préoccupations des Nigérians. Reste à savoir si la population, désabusée, est encore assez motivée pour se mobiliser lors du scrutin du 16 février. Les experts craignent une faible participation des électeurs.

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