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Macky Sall et sa fulgurante ascension politique au Sénégal

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Image caption Macky Sall s’est imposé dans les hautes de l’Etat en une dizaine d’années.

En lice pour un second mandat à l’élection présidentielle du 24 février 2019, le candidat de la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY) a gravi les échelons de l’appareil d’Etat pour se hisser au sommet, à 51 ans.

En une décennie, il a été maire de Fatick (ville du Centre), directeur général de la société nationale pétrolière, plusieurs fois ministre, puis député, Premier ministre et président de l’Assemblée nationale.

« Je n’ai jamais douté de moi »

Comment l’ingénieur géologue formé à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et à l’Institut français du pétrole a-t-il fait une si fulgurante ascension en une dizaine d’années seulement ?

« Je n’ai jamais douté de moi », répond Macky Sall lors d’un forum sur la citoyenneté en 2017.

« Lorsque je suis entré en politique, je n’avais pas pour ambition d’être président de la République. Cette ambition, je l’ai eue lorsqu’on m’a imposé un combat à l’Assemblée nationale. Même étant Premier ministre, je n’y pensais pas », dit-il aux élèves et aux invités venus l’écouter à cette rencontre.

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Image caption En 2012, Macky Sall a été élu dans un contexte tendu, avec les violentes manifestations contre la candidature jugée illégale d’Abdoulaye Wade.

Macky Sall a été élu président de la République en 2012, avec le soutien de plusieurs personnalités des anciens régimes socialiste et libéral, deux courants politiques qui s’étaient succédé depuis l’indépendance (1960) à la tête du pays, sans jamais constituer une coalition jusque-là.

Parmi ces personnalités politiques figuraient Moustapha Niasse (actuel président de l’Assemblé nationale et ex-Premier ministre), Ousmane Tanor Dieng (actuel président du Haut Conseil des collectivités territoriales et ancien ministre d’Etat), Amath Dansokho (actuel ministre d’Etat), Idrissa Seck (candidat à la présidentielle du 24 février et ancien Premier ministre).

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Image caption Macky Sall entouré de quelques-uns de ses alliés : de g. à d., Moustapha Niasse, Amath Dansokho et Ousmane Tanor Dieng

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Macky Sall bat son ancien mentor

Au second tour, Macky Sall bat son ancien mentor Abdoulaye Wade, dont il était le directeur de campagne au scrutin précédent, en 2007. En effet, il avait rejoint le PDS, le parti de Wade, juste avant la première alternance en 2000.

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Image caption Macky Sall en compagnie de son épouse Marième, habillée aux couleurs de l’APR, le parti présidentiel au sein duquel elle est très active.

Pour réussir sa vie, « il faut de la foi et de la lucidité. Le reste appartient à Dieu… » philosophe Macky Sall, musulman de confession, qui revendique son appartenance à la confrérie soufie des mourides.

Il est né le 11 décembre 1961 à Fatick de parents peuls, descendants, selon lui, d’une ancienne tribu guerrière du Fouta (nord).

« J’ai grandi à Fatick et à Foundiougne (centre), au gré des affectations de mon père qui travaillait au service régional de l’agriculture. Il était un agent de la catégorie la plus basse de la fonction publique », se souvient-il.

Maoïste et lecteur de Gandhi

Le social et les infrastructures sont le fer de lance de la politique de Macky Sall, qui a mis en place un programme de couverture maladie universelle (CMU) et de bourses destinées aux familles les plus pauvres.

« Il y a encore quelques efforts à faire. Je pense que nous pouvons y arriver. Et au bout de deux ou trois ans plus tard, nous pourrons atteindre pleinement cette couverture maladie universelle », ajoutait Macky Sall.

Sous son magistère, dit-il, l’Etat a octroyé à 300.000 familles « parmi les plus vulnérables » des « bourses de sécurité » qui s’élèvent à 25.000 francs CFA par trimestre.

Il affirme que « cette initiative impacte au moins trois millions de personnes », soit environ 1/5 de la population sénégalaise.

Mais le secteur social, sous son magistère, est secoué par les récurrentes grèves des travailleurs. Les enseignants, les professionnels de la santé et de la justice ne cessent de déplorer leurs conditions de travail, notamment le sous-équipement des écoles et des établissements de santé.

Concernant les infrastructures, il a doté le Sénégal d’un aéroport parmi les plus « modernes » du continent, selon ses propres termes, de nouvelles routes et autoroutes, mais aussi d’un train électrique. Ce dernier, considéré comme une dépense de prestige par certains de ses opposants, sera mis en service « dans six mois », a dit M. Sall en janvier 2019.

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L’ancien étudiant « maoïste » dit avoir été nourri intellectuellement par les enseignements du guide spirituel indien Gandhi, lequel enseigne, selon Macky Sall, que la peur est « le plus grand obstacle de la vie », l’égoïsme « la racine de tous les maux », le travail « la plus belle distraction », le découragement « la pire des défaites ».

Il dirige l’Alliance pour la République, le parti qu’il a fondé après son éviction de la présidence de l’Assemblée nationale en novembre 2009 par la majorité PDS, le parti dont il était la deuxième personnalité. « J’ai fleurté avec le maoïsme », se souvient l’ancien militant d’AJPADS et du MRDN – deux partis de la gauche sénégalaise.

Le militant de la gauche reconverti au libéralisme avec son adhésion au PDS, puis allié des socialistes, entretient des relations difficiles avec ses opposants. Ces derniers lui reprochent le non-respect de ses promesses électorales en 2012, notamment celle de la réduction de son mandat de sept à cinq ans.

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Image caption Les relations sont aujourd’hui difficiles entre Abdoulaye Wade et son lieutenant Macky Sall, qui l’a battu à l’élection présidentielle de 2012.

Macky Sall, amateur de football, est fondateur d’une équipe à Peulgha, son quartier fatickois.

Sur le plan musical, ses préférences vont de la pop music au jazz en passant par le reggae, « mais aussi les variétés françaises avec Jimmy Hendrix » par exemple. Il dit écouter Dire Straits, Bob Dylan, John Lennon, Michael Jackson, le groupe guinéen Bembeya Jazz, Miriam Makeba et « la grande diva sérère », Yandé Codou Sène.

Cinq candidats retenus pour la présidentielle au Sénégal :

  • BIO
    • El Hadji Issa Sall, 63 ans, est un ingénieur en informatique formé au Sénégal et aux Etats-Unis.
    • Il est l’un des premiers Sénégalais à obtenir un doctorat en informatique (Université George Washington, 1995).
    • M. Sall dirige actuellement l’Université du Sahel, un établissement privé d’enseignement supérieur créé en 1998 à Dakar.
    • Il a travaillé pour de nombreuses sociétés nationales sénégalaises (électricité, télécoms) et américaines, dont la Digital Equipment Corporation (Massachusetts).
    • El Hadji Issa Sall est auteur de plusieurs publications sur les systèmes informatiques et le rôle des technologies de l’information et de la communication dans le renforcement de la démocratie.
    • Sur le plan politique, il a été premier vice-président du Conseil régional de Fatick (1996-2001) et coordonnateur national du Parti de l’unité et du rassemblement, créé en 1998.
    • M. Sall est élu député depuis 2017.
    • Il pratique le karaté et le taekwondo.
    • Il est investi candidat par le PUR.
  • BIO
    • Idrissa Seck, 59 ans, a été Premier ministre et maire de Thiès (ouest).
    • Il dirige actuellement le conseil général de Thiès.
    • Après les violences postélectorales de 1988, M. Seck interrompt sa carrière politique pour se consacrer à ses études à l’Université de Princeton (États-Unis).
    • Considéré comme le dauphin du président Wade, il est mis en cause pour la gestion des "chantiers de Thiès", un ensemble d’infrastructures que l’Etat a construites dans sa ville vers 2004-2006.
    • Idrissa Seck est arrêté le 23 juillet 2005 et passe six mois et demi en prison pour "détournement de fonds publics" et "corruption" présumés.
    • Libéré, il crée "Rewmi" (le pays ou l’Etat en wolof), un parti politique, et affronte Abdoulaye Wade à l’élection présidentielle de 2007.
    • Il arrive deuxième avec 14,86% des voix, derrière Wade (55,90%).
    • n 2012, M. Seck s’appuie sur les dispositions de la Constitution pour dénoncer et juger irrecevable la candidature de Wade aux élections.
    • Il est éliminé au premier tour, n’obtenant que 7 %.
    • Il dirige "Rewmi".
  • BIO
    • Macky Sall, 57 ans, est un ingénieur en géologie formé au Sénégal et en France.
    • Il a dirigé le ministère des Mines et de l’Énergie (de mai 2001 à novembre 2002), avant d’être élu député et vice-président de l’Assemblée nationale (de juin 2001 à novembre 2002).
    • M. Sall a été ministre de l’Intérieur (2003-2004).
    • Membre du Parti démocratique sénégalais (PDS), le parti d’Abdoulaye Wade, il est nommé Premier ministre pendant trois ans (avril-juin 2007), avant de revenir à l’Assemblée nationale en tant que président de l’institution parlementaire.
    • Renvoyé de l’Assemblée nationale en novembre 2008, par la majorité PDS dont il faisait partie, il rejoint l’opposition et est élu président de la République en 2012, battant Wade au 2e tour.
    • Il est investi par la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY), dirigée par son parti, l’Alliance pour la République (APR).
  • BIO
    • Madické Niang, 65 ans, est né à Saint-Louis (nord).
    • Il est avocat et homme politique. Ministre de la Justice dans plusieurs gouvernements, il a également dirigé le ministère des Affaires étrangères (octobre 2009-avril 2012).
    • M. Niang a fait des études de droit à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal) et à Abidjan (Côte d’Ivoire).
    • Proche d’Abdoulaye Wade, il a assuré sa défense dans une affaire d’assassinat, lorsque Babacar Sèye, le chef de la Cour suprême du Sénégal, a été tué en 1993.
    • M. Niang a été élu député en juillet 2017 pour un mandat de cinq ans.
    • Il dirige la coalition "Madické2019".
  • BIO
    • Ousmane Sonko, 44 ans, est fonctionnaire.
    • Né en Casamance (sud), il a fait ses études supérieures à l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis (nord), où il a obtenu une maîtrise en droit public (1999).
    • M. Sonko est ensuite entré à l’Ecole nationale d’administration, dont il sort avec un diplôme d’inspecteur des impôts et domaines.
    • Il crée quelques années plus tard le Syndicat des agents des impôts et domaines, qu’il dirige de 2005 à 2012.
    • Il entame ensuite une vive protestation contre le gouvernement de Macky Sall, lui reprochant moult malversations financières et fiscales.
    • Macky Sall le renvoie en août 2016 de la fonction publique à cause des révélations qu’il fait sur plusieurs dossiers économiques et financiers de l’Etat.
    • Président des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), créé en 2014, il est élu député en juillet 2017.
    • L’ascension exponentielle du leader des Pastef s’internationalise avec les visites qu’il rend aux Sénégalais vivant à l’étranger.
    • Il est investi par son parti.

Un homme au caractère austère ou rigide

L’opposition dénonce aussi l’implication des membres de sa famille dans les affaires de l’Etat, en contradiction de sa promesse de tenir les siens hors de l’appareil d’Etat.

Il a nommé son frère Aliou à la direction générale de la Caisse des dépôts et consignations, l’une des plus importantes administrations financières de l’Etat.

Son beau-frère Mansour Faye dirige le ministère de l’Hydraulique. Certains de ses cousins, ainsi que des proches de son épouse, Marème Faye, sont membres de conseils d’administration de diverses sociétés nationales. Certains opposants et membres de la société civile l’accusent même d’avoir instauré une « dynastie Faye-Sall » au sein de l’administration publique.

Sur le plan politico-judiciaire, certains adversaires politiques l’accusent de s’immiscer dans le fonctionnement de la magistrature. Un juge a même démissionné de la fonction publique, l’accusant de manipuler le Conseil supérieur de la magistrature, le moteur du système judiciaire sénégalais.

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Image caption Khalifa Sall, considéré comme un redoutable adversaire de Macky Sall, est frappé d’une condamnation qui l’écarte du scrutin présidentiel, au même titre que Karim Wade.

Macky Sall est accusé d’avoir fait emprisonner ses adversaires Khalifa Sall et Karim Wade pour les empêcher de se présenter à l’élection présidentielle, une accusation rejetée par la majorité présidentielle.

Il a aussi renvoyé de la fonction publique Ousmane Sonko, devenu l’un de ses plus grands adversaires politiques, aujourd’hui candidat à la présidence.

Ousmane Sonko, inspecteur des impôts et domaines, a été renvoyé par le chef de l’Etat à la suite de révélations fracassantes sur des exonérations d’impôts dont les députés auraient illégalement bénéficié.

Surnommé « Gnangal » – l’homme au visage renfrogné -, Macky Sall est d’un caractère austère ou rigide, selon certains Sénégalais.

En 2002, il a fait les choux gras de la presse qui rapportait un incident durant lequel il aurait forcé le passage devant un bureau de vote pour accomplir son devoir civique sans se munir de sa carte d’identité nationale, une pièce nécessaire à l’expression du suffrage au Sénégal.

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