Balozi : « Le Hip-Hop est une musique à part entière » ©DR
En mai dernier, la compétition de musique « Primusic » reprenait 5 ans après sa dernière édition. Si la nouvelle a été accueillie avec joie par les chanteurs, cela n’a pas été le cas les rappeurs qui se sont sentis quelque peu exclus. Ce fut encore plus le cas après les propos des membres du jury ne considérant pas le rap comme une musique à part entière. Des propos qui ont fait réagir Balozi, ancien rappeur du groupe One city One Family, installé depuis quelques années aux Etats Unis. Réagissant à notre article sur ce sujet, l’artiste a voulu donner son point de vue, un brin en colère.
Akeza.net : Il est courant que des personnes disent que le Hip-Hop n’est pas une musique, qu’en pensez-vous ?
Balozi : Si l’on se réfère à la définition de la musique, le Hip-Hop ou le rap remplit toutes les conditions pour être considéré comme une musique à part entière. La musique a été définie comme une combinaison de sons agréable à l’oreille. Et le Hip-Hop remplit cette condition. Ce qui est étonnant, c’est que le Hip-Hop cesse d’être une musique au Burundi et le plus souvent lorsqu’il y a des compétitions. Et pourtant, les rappeurs vont en studio, paient les producteurs pour enregistrer et leurs morceaux sont joués à la radio.
Il n’est pas possible de dire que le Hip-Hop n’est pas une musique au moment où parmi les 10 artistes les plus populaires du monde ayant vendu le plus d’albums et de singles on y compte au moins 4 rappeurs. Comment penser ainsi lorsque dans le Hip-Hop nous comptons des artistes tels que Tupac, Notorious BIG, Jay-Z, Cardi B, Nicky Minaj, Professor Jay ou encore Big Fizzo. Il est difficile de comprendre ceux qui véhiculent de tels propos. Le Hip-hop est une musique à part entière et il faut l’accepter tel quel.
Akeza.net : Pourtant les membres du jury de la Primusic affirment qu’il est difficile de classer le Hip-Hop au même rang que les autres musiques…
Balozi : Ce qui me choque encore plus, c’est de voir que nous avons 2 producteurs dans le jury. Ils sont sensés comprendre que le Hip-Hop est véritablement une musique. Ils reçoivent les artistes dans leurs studios, ils perçoivent leur argent, ils enregistrent des chansons et certaines d’entre elles marchent. C’est donc étonnant de voir que lors des compétitions, ils ne considèrent pas le Hip-Hop comme une musique. Cela est très étonnant venant d’Amir Pro et Kolly The Magic. D’autant plus qu’à l’époque de ses débuts, Kolly a produit le morceau de Pascal qui était exclusivement Hip-Hop
Akeza.net : A votre avis, à quoi cela est-il dû ?
Balozi : C’est un combat que l’on mène depuis des années, lorsque nous avons commencé la musique, au début des années 2000. Il y a toujours eu des gens qui disent que le Hip-Hop n’est pas une musique. Et cette idée a toujours été véhiculée par les artistes de l’ancienne école. Je ne sais pas si c’est par crainte d’être en compétition avec les rappeurs. Et pourtant le Hip-Hop est une musique mondialement connue avec des artistes de haute facture ayant accomplis de grandes choses.
Akeza.net : Pensez-vous que la Primusic fait fausse route en excluant les rappeurs ?
Balozi : Cette année, le thème de la Primusic est « Ton talent, ton avenir », mais lorsque l’on regarde le traitement réservé aux rappeurs, on a l’impression qu’au lieu d’aider les artistes à faire évoluer leur talent, il semble que l’effort est fourni dans le sens contraire. Si l’on observe au Burundi, les artistes qui se sont fait un nom et qui sont devenu des grands, nombreux ont commencé leur carrière dans le Hip-Hop. Je citerai en exemple Big Fizzo et Sat-B. Ils ont changé d’orientation lorsqu’ils se sont rendu compte que la société burundaise n’accordait pas de réelle place aux rappeurs. Mais dans leur vocation ils sont beaucoup plus rappeurs que chanteurs.
Nous pouvons même prendre l’exemple de Diamond Platinumz qui a commencé dans le rap et qui est aujourd’hui un artiste mondialement connu. Donc si un jeune rappeur vient et qu’il est découragé par ces propos, ce serait une façon de freiner un talent similaire à celui Big Fizzo ou de Diamond.
Et même lorsque nous observons dans la sous-région, là où il y a des compétitions similaires à la Primusic, ces compétitions sont bien organisées avec beaucoup de moyens et des rappeurs les ont déjà remportés. C’est le cas de Kala Jerimiah qui a remporté le Bongo Star Search en Tanzanie ou encore Riderman qui a remporté le Primus Guma Guma au Rwanda.
Akeza.net : Alors que dire à ceux qui ne considèrent pas le Hip-Hop comme une musique ?
Balozi : Je pense que pour que nous allions de l’avant, et pas seulement dans la musique, il est important de comprendre ce dans quoi nous travaillons. Cela reste tout de même étonnant qu’il y ait encore un producteur ou un journaliste culturel qui n’a pas compris que le Hip-Hop est une vraie musique »
Propos recueillis par Moise MAZYAMBO
Comments
comments