Le 16 mai dernier, la Brarudi lançait officiellement la 4ème édition de la Primusic. Un évènement qui n’avait plus eu lieu depuis 2014. Si cette compétition a permis de mettre en avant les talents musicaux de nombreux jeunes, majoritairement des chanteurs, elle semble ne pas offrir un espace suffisant aux rappeurs qui estiment avoir leur place dans cette compétition. La réponse à cette préoccupation par le jury de l’édition 2019 est loin de plaire aux rappeurs qui depuis multiplient les plaintes et leur mécontentement. Mais en réalité, de quoi se plaignent-ils ?
Tout part de la réponse donnée par le producteur Kolly The Magic, membre du jury de la Primusic 2019, lors du lancement officiel de l’évènement. Répondant à la question d’un journaliste sur la place des rappeurs dans la compétition et du fait qu’ils aient du mal à se démarquer, le producteur a affirmé qu’il était difficile de faire passer un rappeur devant un chanteur dans une compétition comme celle-là. Cela pour la simple raison que les chanteurs sont plus techniques et chantent accompagnés par des musiciens. Ce qui selon lui rend leur performance plus remarquable que celle d’un rappeur. En comparant les rappeurs à des poètes ou des slameurs, n’ayant pas vraiment besoin de musique pour s’exprimer. Un avis partagé par son collègue Amir Pro, lui aussi membre de ce jury.
Mais quoi que cette réponse puisse trouver un sens aux yeux de nos 2 producteurs et qu’elle puisse être défendable, elle n’a pas beaucoup plus aux rappeurs qui se sont vite empressés de manifester leur mécontentement face à ce que certains d’entre eux considèrent comme un rabaissement.
En effet, pour certains rappeurs, cela est la preuve que le rap n’est toujours pas pris à sa juste valeur et reste considéré comme une musique de marginal.
Pour B-Face, qui s’exprimait au micro de BujaHitTV, ne pas considérer le rap comme une musique à part entière serait une erreur. Selon lui, peu importe le style de musique adopté par un artiste, tous sont considérés comme artiste. « Ils disent que le rap n’est pas une musique. Je pense que c’est un style comme tant d’autre. Que ce soit du rock, du blues, du jazz, du reggae ou du reggaeton, tous sont appelés musique et le rap en fait partie. En fin de compte on est tous appelé des chanteurs », dit l’artiste.
L’artiste poursuit son propos en faisant un comparatif entre la vision burundaise du rap et ce qu’elle est dans d’autre pays. Faisant ainsi le parallèle entre la place qu’occupe le rap sous d’autres cieux et sa place au Burundi. « Nous avons fait la comparaison avec de nombreux évènements dans plusieurs pays et vous remarquerez ce n’est pas comme chez nous. Aux USA par exemple, les rappeurs sont présents dans tous les évènements et ils remportent des trophées. Comment font-ils pour gagner ces trophées en faisant la même chose que nous ? Cela cesse d’être une musique quand c’est chez nous ? Et pourtant lorsque l’on va en studio, on utilise les mêmes instruments que les chanteurs R’nb. Il y a là une injustice », ajoute-t-il.
Cependant l’artiste nuance légèrement son propos, en affirmant ne pas vouloir dicter une ligne de conduite. Mettant cette attitude sous le coût de l’ignorance. « Cela est ainsi peut-être parce que les organisateurs n’ont pas compris ce qu’est vraiment le rap ». Et de poursuivre : « Je ne vais pas leur dire comment ils doivent faire mais j’aurai plutôt une requête. Voyez-vous, depuis le début de la Primusic, chaque fois qu’un rappeur y va, il est écarté. Ce qui décourage les rappeurs. Il faudrait encourager les rappeurs parce que c’est un talent comme les autres qui a également ses normes. Kolly, Amir Pro et Christian connaissent le rap parce qu’ils nous accueillent dans leur studio, ils savent comment le rap se joue, comment les textes sont écrit, la structure des rimes et les flows. Et donc dire que ce n’est pas une musique c’est nous rendre un mauvais service. Et s’il leur ait difficile de départager le rap et le R’nb, qu’ils séparent les catégories. On aura la moitié des finalistes dans le rap et l’autre moitié dans le R’nb. Ils nous rendront service dans ce cas ».
Alvin Smith, pour sa part considère que cela est avant tout un problème social. « Ce qui fait mal c’est que la majorité des gens et surtout nos ainés, continuent à considérer le rap comme une musique de voyou. Comme les chanteurs de R’nb, nous apportons quelque chose dans la musique. »
Et d’ajouter : « Cela sans compter le fait que nous écrivons de vrais textes avec un vrai message. La majorité des chansons R’nb ont 4 phrases et le tour est joué. Alors qu’elle (la compétition Primusic) nous donne cette espace d’expression, nous sommes capable de faire de belles choses ». Des propos qui illustrent bien le mal-être de l’artiste.
Même préoccupation pour Magic Soldier Kingorongoro, qui demande que les rappeurs aient droit à cet espace pour que les plus talentueux fassent leurs preuves.
Autant de plaints qui mériteraient qu’on y prête un minimum d’attention selon les rappeurs. Des artistes en quête de légitimité public et qui malgré le succès d’estime qu’ils peuvent rencontrer au près du public, ne parviennent toujours pas à convaincre les plus grandes instances quant au bien-fondé de leur présence dans le paysage musical.
Moïse MAZYAMBO
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